
Jasper High School students have written narrative stories based on historical events - in French.
Stories from Grade 12 students Isabelle Glover and Arianne St-Jacques are published below.
Read Grade 11 students' stories on separate pages:
- Mon Périple par Teslyn Pfisterer
- Le sacrifice qui permet la prospérité par Sophie Pfisterer
- Ciblé en raison de notre nationalité par Nalani et Keandra Gruys
- L’assassinat by Ryan Davis
Enraciné
By Arianne St-Jacques
Late April 2017, the Gamela tribe, native to Brazil, was attacked by a group of ranchers in the Maranhão state of Brazil in an attempt to reclaim their land. Many were left injured, but fortunately everyone survived. This is my story.
La pluie tombait doucement sur la terre donnant un arôme frais et qui entrait à l’intérieur de la maison. C’était une journée assez paisible à São Luis, une ville dans le nord-est du Brésil. Maria s’est réveillée aux ronflements venant de son frère. Elle se leva et regarda autour de la chambre, ses yeux atterrit sur le miroir dans le coin. Ses cheveux étaient noirs contre sa peau au teint bronzé.
- Lêve toi, Bruno, murmura Maria. C’est une journée excitante pour nous!
Bruno était le frère de Maria. En fait, ils étaient des jumeaux de 15 ans, tenant des caractéristiques similaires comme la couleur de leur cheveux et le brun de leurs yeux. Les deux étaient inséparables.
- C’est aujourd’hui, déjà? Bruno ouvra ses yeux.
C’était le 30 avril 2017, un jour important pour la tribu Gamela, la tribu à qui Maria appartient. Pendant des années, les autochtones du Brésil étaient massacrés et assimilés par l’homme blanc. Les agriculteurs prenaient leurs territoires, ils ont déboisé leurs terres et ne laissait rien pour les autochtones. C’était aujourd’hui où la tribu Gamela reprenait leurs propres territoires, cette terre volée par ces agriculteurs.
-Ah, vous êtes réveillés déjà, disait une voix douce. Ça va bien Kyoipé?
C’était le père des jumeaux. Il était un grand homme, flétri un peu avec l’âge. Il adresse souvent Maria avec son deuxième nom Kyoipé. Cela veut dire « arbre » dans l’ancienne langue de la tribu, une langue presque oubliée. Le père de Maria lui avait donné le nom parce que peu importe la force du vent, elle est toujours restée forte et ancrée au sol.
-Oui j’ai hâte. Penses-tu qu’on réussira?
-T’inquiète pas trop, je te protégerai de tous les dangers. Toi aussi, Bruno.
Il savait toujours quoi dire, Maria pensait. Même si la terre leur appartenait, il y avait quand même du danger que les fermiers s'opposeraient à l’acte de revendication.
Maria, son père et son frère se dirigent vers la cuisine. Après le petit-déjeuner, ils ont emballés leurs affaires et sont partis à la rencontre des autres de la tribu. Dirigé par leur chef Kum’Tum Gamela, ils ont dû marcher jusqu’à la ferme Ares Pinto, un territoire ancestrale ayant appartenu au Gamela. Quand ils sont arrivés, personne n’était là. Ils se sont installés comme s’ils n'avaient jamais perdu cette terre. Tout le monde souriait en célébration du succès d’avoir repris leur territoire.
Un peu plus tard, Maria décida d’aller faire une promenade aux alentours avec Bruno. La forêt était tranquille avec seulement les sons venant des insectes. Il ne pleuvait plus, mais la terre était encore humide particulièrement aux endroits denses de la forêt.
-Je pensais que l’on devait affronter les fermiers pour rester ici, disait Maria.
-Ouais, je suis tellement heureux que l’on puisse en apprendre plus de notre culture, notait Bruno. C’est dommage qu’on doit encore se battre pour nos droits, pour notre terre qui nous appartient. Tous les règles que le gouvernement nous imposent, ça ne mène à rien. C’est comme si tout le monde est contre nous.
-Les droits des autochtones ne sont vraiment pas protéger. Au moins, nous sommes ici maintenant. J’espère élever mes enf–
Soudainement, ils ont entendu une branche cassée à distance. Maria tourna la tête vers le bruit et a vu un homme qui courait vite vers son auto. Oh non!
-Allez! Avertis les autres! Maria poussa son frère dans la direction de la ferme.
Quand ils arrivaient aux autres, Maria était très essoufflée.
-Papa...un homme...danger. Elle n’avait plus d’air dans ses poumons pour parler.
Tout à coup, des véhicules et des motocyclettes arrivèrent proche, entourant complètement le groupe. Plusieurs hommes ont sorti des armes dans leurs mains y compris des machettes et des fusils. C’étaient les propriétaires qui venaient voler leur ferme encore une fois. Maria avait tellement peur au point qu’elle ne pouvait plus bouger.
-Vous empiètez! criait un homme avec colère. Cette terre nous appartient.
-Cette terre est à nous, disait le père de Maria.
-Dit qui?
-La loi.
-Nous sommes au dessus de la loi. Partez avant que je vous force de quitter!
Personne ne bougeait. Les hommes avaient l’air enragés. Cela ne pouvait que se terminer dans la violence. Avec un coup du fusil, les membres de la tribu couraient dans toutes les directions. C’était le chaos. Maria coura vers son père.
-Où est Bruno? Il lui demanda.
Maria secoua sa tête. Elle était remplie d’inquiétudes car elle ne savait pas où se trouvait son frère. Les coups de feu continuaient et les machettes étaient jetés partout. Les gens pleuraient et le sang coulait de toute part. Le père de Maria l’a tiré vers la forêt quand un homme méchant s’est mis à courir vers eux. Il se rapprochait vite et Maria fermait les yeux, puis elle a entendu les cris et elle tomba par terre. Elle ouvrit les yeux encore sous le choc. Elle tenait encore la main de son père sauf que son père n’était plus là. L’homme avait coupé la main de son père. Elle la laissa tomber par terre, terrifiée par ce qui venait de se passer.
-Sauve-toi Kyoipé! gémissait le père de Maria.
Maria ne pouvait plus penser clairement. Elle coura vers la forêt le plus vite possible ignorant les cris des autres. C’était la journée la plus horrible qu’elle ait jamais vécue.
Plusieurs jours plus tard, Maria se trouva dans un hôpital près de son père. Il avait été gravement blessé avec d’autres membres de leur tribu. Même le chef Kum’Tum était blessé. Heureusement, personne n’a été tué dans le massacre, mais c’était quand même un événement horrible. Bruno se trouvait à côté de Maria. Ils s’étaient rencontrés de l’autre bord de la forêt après que Maria s’était mise à courir. .
-Ça va bien Papa? demanda Maria.
-Je suis content que tu aies survécu, je ne sais pas ce que je ferais sans toi, ajoutait Bruno.
-Je ne vous laisserai jamais les petits; dit leur père.
Maria tourna sa tête vers la télé dans la chambre d'hôpital. Les reportages ne rendaient pas justice à la gravité de la situation. Malgré ce qui se passait, elle savait que la bataille ne serait jamais finie et que les tribus du Brésil devront continuer de se battre pour leurs droits. Elle était Kyoipé, un arbre enraciné dans la terre. Elle, comme tous les autochtones du Brésil, était enracinée ici au Brésil et rien ne pourra les détruire.
Telle Mère, Telle Fille
by Isabelle Glover

This story takes place during the Wurzburg Witch Trials in Wurzburg, Germany.
Sparked by Philip Adolf von Ehrenburg, the Prince-Bishop of the Wurzburg area, and lasting from 1626 to 1631, the trial was one of the biggest mass trials and executions in Europe during the Thirty Years war.
Almost 900 men, women, and children were burned throughout the region. This is my story.
Le poignard passe près de ma tête, coupant mes cheveux blonds. Ils m’entourent sur le plancher, en formant un cercle d’or. Quand le dernier lambeau tombe, je m’arrête une minute pour l’observer. Ma mère avait les cheveux comme les miens. En les coupant, je me sens un peu comme si je la perdais encore. Mais c’est ridicule. C’est juste des cheveux et c’est un trop grand risque de les garder.
Je nettoie rapidement, cachant les cheveux dessous une vieille boite qui reste dans le coin et en mettant le couteau dans ma poche. Je sors mes pantalons et une chemise de mon sac en cuir et les remplace par la robe que je portais. J’enroule un bandage étroitement autour de ma poitrine. Un chapeau sur mes cheveux courts, et Agnes Pfeifferyn n'existe plus. À sa place, il y a Lorenz Spreng, un jeune garçon de quinze ans qui voyage au sud de Stuttgart. C’est tout un mensonge. Je m’appelle Agnes, je suis une fille, j’ai dix-neuf ans et je ne sais pas où je vais. Je veux simplement quitter Würzburg, où mon portrait reste sur le mur de criminels recherchés.
Je sors de l’allée en essayant de ne pas attirer l’attention. La rue ressemble à la façon dont je l’ai laissée. Les étagères restent proches aux murs, offrant des marchandises de toutes les variétés. À ma gauche, il y a un homme qui vend des armes. C’est là où j’ai acheté mon couteau il y a trente minutes. L’homme était hésitant de me le vendre et je sais qu’il y avait la possibilité qu’il me rapporte aux autorités. Les filles de dix-neuf ans n'achètent pas souvent des poignards, surtout pas seules. Si ma situation n’était pas déjà si sérieuse, je ne l’aurais jamais risquée. J’aurais aimé pouvoir garder une des armes que mes parents ont fabriquées, mais toutes nos possessions ont été prises par l’état après leurs exécutions.
Devant moi, la rue se divise en deux. J'arrête pour un moment, tous mes doutes et mes hésitations m’empêchent de continuer. À la droite, c’est la liberté, une route vers un endroit inconnu où je peux vivre sans regarder par dessus mon épaule. Mais à la gauche, c’est la partie de la ville où j’ai passé toute ma vie. C’est là où je suis née, où mes parents ont construit et vendu leurs armes, où mon père jouait sa lutte dans les rues. J’aimerais rester ici pour toujours, laissant les souvenirs des temps heureux m'envelopper, mais le sort en a choisi autrement. À distance, je vois dans le coin un tas de bois, on dirait qu’ils se préparent pour une autre cérémonie ce soir. Cela me rappelle d’autres souvenirs moins heureux, mon dernier souvenir de mes parents, leurs visages tordus par la douleur et leurs corps cachés par les murs de feu. Soudain, ce n’est pas trop difficile de partir.
Il y a environ cinq kilomètres entre moi et la porte de la ville. Je peux le marcher en quinze minutes, dix si je cours, mais la vitesse attire l’attention. Si je veux échapper Würzburg sans être brûlée par l’Inquisition, je dois être invisible. Pour la centième fois, je maudis le nom d’Ana. Il y a déjà deux semaines qu’elle a été arrêtée. Elle a été signalée par un fermier qui est venu pour vendre ses marchandises. Ils se sont disputés parce qu'elle pensait que ses oeufs étaient trop chers. Quand le fermier est arrivé à la maison, une de ses vaches était morte. Naturellement, le blâme est tombé sur Ana et son présumé pacte avec le diable. Le lendemain, elle a été arrêtée. Je ne la connaissais pas très bien, alors c’est probablement pourquoi ma chambre a été perquisitionnée. Nous avons tous entendu les histoires horribles des tortures de l’Inquisition. Tout le monde avoue finalement, même les innocents, et la plupart d’eux trahissent quelqu’un d’autre.
Je marche calmement, même si mon coeur bat la chamade. Je garde une main prête à sortir mon arme, l’autre tient mon sac en cuir. Je vois le clocher de la cathédrale au dessus des toits, mais la vue ne me fait rien sauf augmenter mon anxiété. C’est un symbol de l’église Catholique et l’Évêque Prince Philip Adolf von Ehrenburg. C’est lui qui a vraiment commencé la chasse aux sorcières ici, il y a deux ans. Mes yeux fixent vers la porte de la ville qui sera visible au coin de la rue. Il n’y a seulement que cinq hommes entre moi et la porte. Même s’ils ont probablement autres choses qui les concernent, mon anxiété monte. Chaque personne peut me dénoncer et mener à mon exécution.
Je passe le premier sans incident, il parle avec le deuxième homme sur le côté de la route. Le troisième est distrait par une fille qu’il voit dans une fenêtre au-dessus de lui. Le quatrième tient quelque chose dans sa main gauche, un morceau de papier. Je fige. Il y a un image sur le papier, un croquis de mon visage fait en crayon. Les mots “recherchée pour la sorcellerie” sont écrits au bas.. Ana leur a même dessiné une image. Je me promets que si jamais je suis capturée, je ne trahirai personnes d’autres.
Dans ma tête, je considère mes options. Il n’y en a pas beaucoup. Je pourrais retourner et essayer de sortir par une autre porte ou je pourrais continuer dans l’espoir que mon déguisement me sauve et que l’homme ne soupçonne rien . Mon instinct me dit de ne pas m’approcher de l’homme avec mon image, mais je sais que c’est la chose intelligente à faire. Je ne sais pas qu’est-ce qui se passe dans les autres endroits de la ville et je dois partir aussi vite que possible.
Mes pas continuent, trop rigides pour être naturel, mais je ne suis plus capable de marcher normalement. Ma respiration devient courte et vite et mon dos est couvert de transpiration. J’imagine toutes les choses qui peuvent indiquer que je ne suis pas vraiment un garçon. Est-ce que je marche correctement? Est-ce que le bandage autour de ma poitrine est visible? Est-ce que ma robe est visible dans mon sac? J’aurais dû la laisser dans l’allée.
Je suis juste à côté de l’homme maintenant. Je sais que je devrais regarder devant mais je l’observe du coin de l’oeil. Il est en train d’analyser l’image dans sa main. Au moins, c’est ce qu’il fait. Ses yeux voyagent sur mon visage et reste là. La prochaine seconde prend une éternité. Je suis figée sur place, en attendant un cri de reconnaissance. Mais ce cri ne vient pas.
Le moment passe, il continue ses observations et je continue vers la porte. Mes mains tremblent et mes jambes se sentent faibles mais je suis correcte. Je ne suis pas traînée en prison. J’ai presque oublié le dernier homme à la porte, mais il ne me donne même pas un deuxième regard. Tout à coup, je suis dehors de la ville. Je marche quelques pas en silence en attendant un cri ou des bruits de pas, mais rien arrive.
Mon anxiété s’estompe et est rapidement remplacé par un sentiment de triomphe. J’ai réussi! Le clocher est à mon dos et le paysage Allemand est étalé devant moi. Seulement la personne occasionnelle sur la route peut m’empêche de danser.
La journée est agréable. Le soleil brille et le luxe de la liberté ne se dissipe pas. Chaque oiseau chante une chanson de victoire et chaque personne a un air joyeux. Mon soulagement d’échapper Würzburg magnifie chaque élément fantastique du voyage et minimise ceux qui sont moins agréables. L’ampoule qui se forme sous mon sac n’a rien d’important et aussi la douleur à mes pieds est infime. Je ne sais même pas où j'irai mais je m’en fiche.
Je marche pendant longtemps. Le soleil voyage à travers le ciel et il commence à disparaître quand je vois le village. C’est petit et je ne resterai pas longtemps. Je veux aller aussi loin de la ville que possible, même si l’Inquisition ne se soucie pas assez de moi pour me chercher hors de la ville. Ils ont beaucoup d’autres sorciers à tuer.
Il n’y a pas d’enseigne, alors, je ne sais pas le nom du village mais ce n’est pas important. De tout façon, je n’ai pas de carte. Il y a un petit hôtel, une taverne, une dizaine de maisons et une place pour un marché qui est vide dans la soirée. J’ai besoin de dormir et de manger. J’ai un peu de nourriture avec moi mais je ne veux pas l’utiliser si ce n’est pas nécessaire. Je ne sais pas quand je serai capable d’acheter la nourriture non-périssable à un prix raisonnable. Je n’ai pas beaucoup d’argent et je dois le conserver. Je ne veux pas acheter un repas et une nuit à l’hôtel mais la route sera dangereuse durant la nuit et dormir dehors attirera l’attention.
À la fin, je passe la nuit à l'hôtel. Je trouve une table dans le coin de la taverne et mange le repas le moins cher possible, une tranche de pain foncé et une côtelette de porc. J’en veux plus mais je ne dois pas dépenser plus d’argent. Ce n’est pas la première fois que j’ai faim et je sais comment survivre. L’heure dans la taverne est sans incident et pour la centième fois je remercie mon déguisement. Il n’y a pas d’autres femmes dans la salle sauf la serveuse et je n’aime pas l’attention qu’elle reçoit.
En examinant les autres clients, j’observe que personne ne me regarde. Je ne suis pas intéressante du tout. Non, ce n’est pas vrai. Il y a un homme avec un nez courbé de l’autre côté de la salle qui me regarde d’une façon étrange. Je baisse la tête et fini mon repas sans le regarder encore. Je pars aussi vite que possible sans courir. Peut-être que je devrais partir ce soir au lieu de passer la nuit à l’hôtel. Mais non, c’est ridicule. Je suis trop fatiguée et la route est trop dangereuse et sans parler des bandits. L’homme ne m’a pas suivi de la taverne et je ne sais même pas s’il me regardait. Peut-être qu’il a juste levé ses yeux au même moment que j’ai levé les miens. Ma décision est prise, je traverse la rue à l’hôtel en ignorant le sentiment tenace qui me promet de la difficulté plus tard.
Malgré le lit rugueux, je dors bien et me réveille revigoré avec le soleil. Les couleurs vives dans le ciel et l’absence de nuages promettent une belle journée. Je mange un morceau de fruit séché de mon sac et je me prépare pour un autre jour de marche. J’ai décidé avant de m’endormir que j’allais trouver une autre ville pour aller vivre. Il y aura plus de chance de me trouver un emploi et plus de personne pour garder mon anonymat. Peut-être que je peux continuer comme un garçon aussi. Il n’y aura pas beaucoup de temps dans la vie ou je pourrai me faire passer pour un garçon et je veux en profiter, au moins jusqu’à ce que mes cheveux repoussent. Je quitte l’hôtel en me sentant optimiste. Le soleil brille, j’ai un plan et assez d’argent pour le réaliser si je suis prudente.
Ma joie dure environ trois secondes, juste assez long pour sentir l’air frais avant que le bâton frappe mes jambes et que mon dos frappe le sol dur. L’air quitte mes poumons et je bafouille pour quelques minutes. Quand je reprend mon souffle, je cherche mon agresseur. Il y a deux hommes qui me regardent, ils portent sur leur visage des expressions de triomphe. L’un d’eux que je n’ai jamais vu auparavant mais l’autre que je reconnais. C’est l’homme qui me regardait hier soir dans la taverne, celui avec le nez courbé. Le désespoir me remplit. Si seulement, j’avais quitté le village hier soir.
“Salut, petite fille.” Mon coeur s’arrête. Il n’y aucune explication qui pourra satisfaire ses hommes s’ils savent déjà que je ne suis pas un garçon alors je ne dis rien. Mon visage exprime l’état confus dans lequel je suis.
“Où vas-tu à cette heure?” La voix de Nez Courbé est plus douce que prévu. Je me lève lentement.
“Je vais à Stuttgart. Mon père a un ami qui m’offre un apprentissage. Et je ne suis pas une fille.” J’essaie de sembler insulté. Les hommes échangent un regard. Nez Courbé m’approche et saisit mon sac.
“Si tu n’es pas une fille, pourquoi as-tu une robe?”
“Elle appartient à ma soeur,” je dis beaucoup trop vite mais je sais que c’est la fin. L’homme que je ne connais pas attrape mes bras et mes pieds. Nez Courbé tâtonne mon torse et sourit quand il trouve ce qu’il cherche, le bandage qui est bien enroulé autour de ma poitrine. La bile monte dans ma gorge et j’essaie d’éloigner sa main.
“Voici, tu es une menteuse,” il s’exclame. “Une menteuse et une sorcière. Sinon, pourquoi une fille tromperait-elle les gens respectueux des lois et les bons chrétiens?” Ils commencent à marcher en m’apportant avec eux. Leurs mains sur mes bras sont comme du fer et je ne peux pas les desserrer. Les hommes parlent tout le temps que nous marchons mais je n’écoute pas jusqu’à ce que j’entende le mot “brûler.”
Bien sûr, nous tournons un coin et je vois le tas de bois, le bûcher, une foule de personnes pour regarder l'événement. La panique me saisit pour vrai. La foule qui entoure a l’air excitée, avide d’un spectacle de ma mort. Je traîne mes pieds, je tord mes bras mais rien ne fonctionne. Ma peur me rend folle. Mes dents claquent et tout mon corps tremble. Mes respirations sont superficielles et je suis consciente que je n’ai plus beaucoup de temps qui me reste.
Nous arrivons au tas et les hommes me mettent en place. Ils m’immobilisent contre le poteau, un autre attache mes mains au bûcher derrière moi. Quand ils ont terminé, ils rejoignent la foule, me laissant seule sur le tas. Un autre homme s’approche avec un papier et commence à lire.
“Vous êtes arrêtée pour l’acte d’avoir conspiré avec le diable.” Je tire sur les chaînes qui m’attachent. Avec toute la force offerte par ma panique, je m'efforce contre mes liens. Avec une douleur intense je réalise que mon épaule droit se disloque et j’arrête tout.
“Nous, le village de Feldkirchen, nous vous condamnons à la mort par la peine du bûcher.” Je ne bouge pas, la douleur à mon épaule m’empêche mais les larmes coulent sur mon visage et je sanglote désespérement.
“Est-ce que tu veux avouer tes crimes?” Je ne dit rien. Même si j’étais coupable, avouer ne fera rien. De plus, je ne pense pas que je suis capable de parler maintenant.
La foule se divise et un homme s’approche derrière moi. Dans sa main, il tient une torche déjà allumée. Les flammes dansent dans la brise et quelques étincelles flottent au-dessus. Mes efforts de me libérer redoublent malgré la douleur à mon épaule.
L’homme arrive au bas de la pile et baisse la torche aux bois. Le crépitement du feu devient de plus en plus bruyant, jusqu’au point que c’est tout ce que je peux entendre. Les visages satisfaits des villageois disparaissent et tout ce qui reste dans le monde est moi et le feu à mes pieds qui grandit rapidement. La fumée envahit mon nez et je commence à hyperventiler. J’ai assez de temps pour me demander si mes parents étaient aussi effrayés avant que la première flamme touche leurs orteils.
Comme tout le monde, j’ai vu trop de brûlures. Ils m’ont toujours choqués et les cris des victimes me hantaient pendant des semaines mais rien ne pouvait me préparer pour l’agonie. Quand le feu a dévoré mes pieds, tout ce que je pouvais penser c’est que c’était à mon tour maintenant. C’est moi qui hurle, c’est moi qui supplie, c’est moi qui prie à n’importe qui.
Les flammes rampent sur mes jambes et l’odeur de viande cuite m’envahit. Je veux que ça se termine, je veux m’évanouir, je veux mourir mais ça continue. Pour une éternité, ça continue.
Finalement, je sens mes respirations ralentir comme s’il n’y avait plus assez d’air dans la fumée pour me satisfaire. Je ne peux plus sentir mes pieds, j’imagine qu’ils sont complètement détruits. Mes hurlements deviennent de plus en plus faible et je relaxe. L’agonie semble s’estomper et mes yeux se ferment. Ma dernière pensée logique est que je suis contente qu’il n’y avait pas de vent.